Un Japon féodal magnifiquement réalisé
Le monde ouvert d’Assassin’s Creed Shadows est, sans conteste, son meilleur argument de vente. D’entrée de jeu et pendant plus de 60 heures, il offre un dépaysement total et donne envie de passer des heures à l’explorer. Les villes respirent l’authenticité, les châteaux et les temples imposent le respect, et la nature regorge de vie. L’effet « waouh » est bien présent : le soleil qui se lève sur Kyoto, les forêts baignées de lumière, les ombres qui dansent sur les rizières.
L’immersion est renforcée par l’impressionnant système des saisons qui change visuellement la carte au fil du temps : le vert luxuriant du printemps, les couleurs paradoxalement chaudes de l’automne puis le blanc immaculé des neiges hivernales. Chaque saison apporte son lot d’aléas météorologiques qui renforcent davantage leurs différences : orages, pluies, blizzard, et des phénomènes plus subtils comme la brume qui rend n’importe quel endroit plus inquiétant.
Végétation luxuriante, gestion des éclairages, distance d’affichage impressionnante, qualité graphique… Nul doute que le report du jeu a fait son petit effet, affichant un rendu visuel et technique pour le moins solide. Les multiples reports qu’a subis le jeu ont porté leurs fruits : Ubisoft a livré avec Assassin’s Creed Shadows sa copie la plus propre pour un Assassin’s Creed, avec peu de bugs de collision et des modèles 3D et assets graphiques très soignés.
Du point de vue technique, le jeu reste très beau même en mode performance sur PS5, à quelques tout petits artefacts près. Assassin’s Creed Shadows offre aussi un mode graphique équilibré en 40 images par secondes + RTX si vous avez un écran 120Hz et l’HDMI 2.1.
Gameplay : dualité shinobi/samouraï
Naoe et Yasuke ont des styles de jeu bien différents qui s’avèrent complémentaires. Pour la shinobi, la furtivité et la discrétion en font une assassin redoutable, même si elle s’en sort très bien de manière frontale au fil de sa montée en puissance. Pour le redoutable samouraï qu’est Yasuke, la force brute est clairement son atout principal.
Naoe est l’Assassine avec un grand A. Lame secrète, parkour, escalade, grappin pour pouvoir monter Tenshus et pagodes. Elle est agile, discrète, létale en un contre un et utilise l’environnement ou la météo à son avantage. Mais si elle se fait repérer, bien qu’elle sache se défendre, plus de trois ou quatre ennemis suffiront à la déboussoler.
Si la discrétion n’est pas votre fort, alors c’est à Yasuke qu’il faut s’adresser. Il fait considérablement plus mal, prend moins de dégâts, il peut lancer plus de compétences, il peut même défoncer des portes et des barrières en pierre ! Affronter plusieurs ennemis en même temps n’est pas un problème pour lui.
Cependant, difficile d’occulter le fait qu’avec Yasuke, on se fait amputer la moitié de l’éventail de possibilités. Il peut à peine escalader, fait trop de bruit pour être discret, pas de grappin… Changer de personnage se fait rapidement, mais certains objectifs propres à Yasuke se trouvent dans des zones « interdites » desquelles il faut sortir pour switch… Bref, c’est souvent assez fastidieux.
Les combats ne sont plus aussi évidents que par le passé et il faudra un petit temps d’adaptation avant de les maîtriser pleinement. Les animations et les mouvements des héros sont bien réalisés, les compétences sont variées, les passifs des équipements permettent de belles combinaisons, et les différents styles de jeu des armes parviennent à renouveler l’approche des affrontements, efficaces sans être révolutionnaires.
Une progression et une exploration repensées
Les équipes se sont servies du mode Exploration des précédents opus comme base. Se synchroniser avec un point d’observation ne retire pas le flou appliqué sur la carte et ne fait pas apparaître automatiquement tous les points d’intérêt. On a la liberté de mettre en avant ceux qui nous intéressent dans un premier temps et découvrir les autres, par hasard, en passant à proximité.
Les activités et points d’intérêts sont rarement révélés avant que vous ne vous en approchiez ou que vous ayez fait le point de synchronisation le plus proche. Et comme la carte se dévoile au fur et à mesure qu’on l’arpente, l’absence d’icônes partout réduit la sensation de manquer quelque chose.
Les quêtes dans Assassin’s Creed Shadows sont présentées de façon originale : sur un tableau de cibles, chaque cible a plus ou moins d’indices en fonction de bribes de conversations entendues dans les rues, ou de certains dialogues scriptés. Les indices vous diront approximativement où se trouve la cible, et à vous d’examiner la carte pour trouver l’objectif avant de vous rendre sur place et d’enquêter.
La progression des personnages, en revanche, est problématique. Les arbres de compétences sont sans inspiration, et rendent l’évolution plus fastidieuse qu’excitante. Pour faire évoluer vos compétences, il faudra acquérir des points de maitrises, gagnés en progressant en niveaux. Mais pour accéder aux compétences les plus efficaces, il faudra faire grimper votre score de « Connaissance » que l’on augmente en accomplissant des quêtes annexes.
Une histoire aux nuances contrastées
Si la traque du Shinbakufu ne tient pas toutes ses promesses, l’épilogue d’Assassin’s Creed Shadows a le mérite de conclure l’arc de nos deux héros à travers des scènes fortes, même si on aurait aimé des événements qui nous fassent décoller de notre chaise.
Classique dans le fond, l’histoire l’est aussi dans sa forme. Bien que servie par des doublages de qualité (mention spéciale au doublage français d’excellente facture), le récit souffre d’un découpage étrange et d’une mise en scène mollassonne. Muée uniquement par la vengeance, Naoe est un personnage très plat, presque monocorde. Yasuke s’avère être un héros plus complexe, mais tiraillé entre son besoin d’accomplir la volonté de son maitre et l’envie de trouver une paix intérieure.
Les enjeux et les motivations des personnages sont confus, et le rythme boiteux. Le potentiel narratif était pourtant immense. Le Japon féodal, avec ses tensions politiques et son code de l’honneur rigide, aurait pu être le théâtre d’un récit épique, mais l’écriture se contente du strict minimum.
Yasuke ne débarque qu’au bout de 10 à 15 heures de narration (après un passage remarqué dans le prologue), ce qui nuit clairement à son impact narratif. Et si vous donnez libre cours à vos envies d’errance sur l’immense carte, il se pourrait bien que Yasuke ne se pointe qu’au bout de 25, voire 30 heures.
La formule Ubisoft, entre innovation et redondance
Oui, il y a des choses qui changent dans la formule proposée par Assassin’s Creed Shadows, mais on est un peu déçu de constater qu’Ubisoft tient beaucoup trop à la construction très calibrée de ses mondes ouverts. De petits chamboulements, oui, mais pas de séisme en plein cœur de sa formule.
Les héros sont soumis à un type de progression vu et revu qui consiste à augmenter leur rang de connaissances en accomplissant des tâches annexes comme récupérer des pages dans un temple, prier plusieurs fois dans un sanctuaire, effectuer des espèces de mini-jeux avec des QTE ou d’autres épreuves.
Ubisoft semble peiner à réinventer sa formule. On ne peut s’empêcher de ressentir une impression de déjà-vu/déjà joué, surtout si on a mis les mains sur Ghost of Tsushima. On se retrouve encore avec des camps à nettoyer, des trésors à collecter et des quêtes FedEx déguisées sous un vernis d’exotisme nippon.
Dans l’ensemble, Assassin’s Creed Shadows ne va pas assez loin dans certaines propositions. Par exemple, le système d’avis de recherche quand vous êtes repéré ou tuez trop de gardes est une bonne idée, mais pour s’en débarrasser, il suffit de « payer » deux emplacements d’éclaireurs. De même, les civils dans les camps ennemis peuvent être tués ou assommés sans aucune conséquence positive ou négative.
Conclusion : un voyage au Japon réussi mais perfectible
Ubisoft voulait contenter tout le monde : les investisseurs, le grand public, les fans de la première heure. Résultat, Assassin’s Creed Shadows est trop sage. C’est un bon jeu mais il est sur des rails, trop téléphoné, et ne prend jamais de risque. C’est ce bon élève qui réussit tout ce qu’on lui demande, mais à qui il manque ce grain de folie pour devenir génial.
Ces manques ne diminuent en rien le reste de la très bonne expérience de Shadows, mais en voyant ces systèmes, difficile de ne pas imaginer ce qui aurait pu être. Ce qui aurait pu faire de cet Assassin’s Creed un excellent jeu, plutôt qu’un très bon jeu.
Assassin’s Creed Shadows est une aventure immersive dans un Japon féodal magnifiquement réalisé, porté par deux protagonistes aux styles de jeu complémentaires. Si le monde ouvert et la direction artistique sont de véritables réussites, l’histoire et certains mécanismes de gameplay manquent parfois d’audace et de profondeur pour en faire un titre vraiment mémorable. Un très bon épisode qui aurait pu être excellent avec un peu plus d’ambition.
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