Une lettre venue d’outre-tombe
« Dans mes rêves agités, je vois cette ville. Silent Hill. » Ces mots résonnent encore dans la mémoire collective des joueurs de la PlayStation 2. Silent Hill 2 Remake nous replonge dans cette histoire intemporelle : James Sunderland, un homme brisé, se rend dans la ville brumeuse de Silent Hill après avoir reçu une lettre de sa femme, Mary, décédée trois ans auparavant. Elle lui demande de la rejoindre dans leur « endroit spécial », comme si toute cette douleur n’avait été qu’un mauvais rêve. Mais que pourra-t-on véritablement trouver à Silent Hill ? Cette ville du midwest est pourtant abandonnée. De toute évidence, ses habitants ont disparu du jour au lendemain sans emporter la moindre affaire.
C’est une histoire d’amour torturée, de culpabilité et de traumatismes psychologiques. Abordant des thèmes lourds traités avec une subtilité remarquable, tels que la maladie, la culpabilité, ou encore la maltraitance, Silent Hill 2 n’a pas perdu de sa puissance émotionnelle dans cette nouvelle version. Si le scénario ne s’éloigne pas tant que cela de ce que nous connaissons, le studio a effectué des choix judicieux. Les nombreux documents supplémentaires permettent quant à eux d’expliciter le scénario sans pour autant livrer les clés de compréhension sur un plateau, tout en multipliant les pistes intrigantes.
Une immersion cauchemardesque repensée
Le gameplay de Silent Hill 2 Remake a été entièrement modernisé pour s’adapter aux standards actuels. L’abandon de la caméra hybride de l’époque (contrôlable tout en suivant un rail) au profit d’une vue épaule des plus classiques en 2024 constitue l’un des changements les plus notables. Alors que l’original n’hésitait pas à venir nous tirer la peau du cou, Bloober Team offre tellement de soins et de munitions dans le remake que l’on penserait jouer Leon S. Kennedy en pleine opération Resident Evil 4.
Les combats sont pensés pour mettre mal à l’aise. Les créatures sont dangereuses, imprévisibles, dotées de nouvelles attaques et ne s’éliminent pas avec un coup de pied rotatif après un tir à la tête. Sunderland n’est pas Kennedy et les monstres qui hantent le coin ne sont pas de vulgaires infectés. S’en approcher de trop près laisse à coup sûr des stigmates que seule une potion de soin saura effacer. Ajoutez à ça que les ennemis font mal, et peuvent rapidement renverser la vapeur à leur avantage. Ce sont de vraies menaces, on est clairement sous-équipé dans la majorité des cas, et ce, jusqu’à la fin du jeu. N’espérez pas améliorer votre armement ou une quelconque montée en puissance, il n’y en a pas.
Les énigmes, élément crucial de la série, sont toujours au rendez-vous avec une difficulté ajustable indépendamment de celle des combats. En mettant en facile, elles sont simplifiées au possible, tandis qu’en difficile elles se complexifient, ajoutant même quelques surprises. En normal elles demanderont pas mal de jugeote, d’être curieux, d’avoir de la mémoire ou encore de garder l’œil ouvert en zieutant l’environnement.
Un autre aspect remarquable est l’utilisation de la radio. Le studio a poussé davantage son rôle pour en faire un vrai outil à double tranchant. La plupart du temps, elle est indispensable. Seulement voilà, très rapidement on va se rendre compte qu’elle sera également une source d’angoisse à elle toute seule. Plongé dans le noir, lorsqu’elle se met à grésiller puis, s’interrompt brutalement, on est là, figé à chercher d’où vient le danger.
Un brouillard graphique époustouflant
En mode « Qualité », c’est très beau, quand bien même les reflets laisseraient apparaître quelques artefacts. Les textures sont bien choisies, les effets de lumière sont réalistes, les détails sont nombreux. Regardez nos captures d’écran, vous pourrez avoir l’impression d’être devant des artworks alors que tout est en temps réel.
Visuellement, Silent Hill 2 Remake nous prouve qu’il en a sous le coude. Dès le départ, il affiche des textures en relief et très détaillées sur un simple chemin de forêt, un cimetière, un ranch et ses sentiers boueux… L’Unreal Engine 5 se montrera très solide en extérieur, même si les rues de Silent Hill sont écrasées par le brouillard. Les façades des bâtiments, les véhicules et tout ce qui traîne dehors sont extrêmement bien modélisés et réalistes.
Le jeu propose deux modes graphiques : un mode Qualité, focalisé sur les graphismes, et un mode Performance, qui vise la fluidité. Les deux ont un excellent rendu, même si en mode Qualité c’est évidemment plus fin et qu’il y a un peu plus d’effets. Mais le gain de framerate du mode Performance est non négligeable.
Cette sensation de vide est souvent soutenue par la musique, ou plutôt l’absence de musique – quand tombe un silence de plomb, l’angoisse monte, de crainte que l’horreur ne surgisse soudainement. Mais non, Bloober Team reste sobre et nous épargne les jumpscares traditionnels du genre.
Une ambiance sonore terrifiante
Le mixage audio volontairement bas qui explose soudainement quand quelque chose surgit à l’écran. Une rustine bien connue dans le monde du cinéma utilisée à merveille ici. Puisque nous évoquons le son, les superbes musiques d’Akira Yamaoka – revisitées elles aussi – nous accompagnent toujours durant le périple. De nouveaux morceaux sont intégrés, dont certains font penser aux petites folies entendues dans le cinéma d’horreur italien.
Le studio ne nous avait pas menti, Silent Hill 2 Remake est une pépite de sound design. L’audio 3D est une merveille et est extrêmement bien utilisé. Parfois, sans rien dire, le jeu nous fait comprendre que des choses atroces se sont passées, s’amuse à nous faire miroiter le pire ou nous met en garde sur ce qui pourrait arriver.
Pour les joueurs PlayStation 5, la manette de la PS5 est très (trop) souvent reléguée au simple rang de gadget alors qu’elle a un réel potentiel que Bloober Team exploite parfaitement bien, sans en faire des caisses pour autant. Par exemple, on n’a pas de grosses résistances sur les gâchettes adaptatives, ni de vibrations constantes en marchant, mais c’est tout pile ce qu’il faut. On peut en effet ressentir certaines choses grâce au retour haptique, comme des bruits de pas, dont les vibrations peuvent changer la texture ressentie, un souffle, des bruits de fracas, etc.
Une ville plus ouverte, plus vivante
La ville est envisagée comme un monde plus ouvert, c’est-à-dire que les bâtiments et les divers lieux sont réellement intégrés à la bourgade et ne sont plus considérés comme des instances à part se dévoilant après un chargement. Le joueur explore sans loadings, ce qui nous emmène vers un des points les plus notables de cette version : bien que pleine de morts, Silent Hill est vivante. Concrètement, les portes se poussent à la volée et les transitions intérieur/extérieur se font instantanément.
Lors des présentations, il était dit que Silent Hill 2 Remake serait plus grand que l’original, que l’on pourrait explorer à droite et à gauche pour trouver quelques secrets et autres objets essentiels. C’est bien le cas, la carte est vaste et il existe bien des lieux totalement secondaires (même des énigmes) à découvrir pour mettre la main sur quelques consommables utiles, mais pas que.
Le level design est d’ailleurs très soigné, les immenses bâtiments que l’on visitera très bien agencés et bourrés de raccourcis pour faciliter les allers-retours, très nombreux.
Les défis techniques et la durée de vie
À la longue descente à travers la forêt de Silent Hill s’ajoutent les errements de James dans la réussite des puzzles. L’énigme de l’horloge de l’immeuble Wood Side, qui ne prenait qu’une petite minute à résoudre, dure maintenant une bonne heure à cause des trois aiguilles à trouver. Le passage à hôpital de Brookhaven, qui mettait entre une et deux heures à être bouclé, prend désormais plus du double de temps. Alors que nous avions mis moins d’une dizaine d’heures pour atteindre une des multiples fins de Silent Hill 2 en 2001, ce remake nous en a demandé une vingtaine alors que le scénario « Born from a wish » n’est pas intégré.
Côté technique, Sur PlayStation 5, l’optimisation technique n’est pas toujours réussie. Et cela commence dès les toutes premières minutes puisque notre petite balade en forêt pré-urbanisme patine dans la semoule, même avec le mode « performances » activé. Orienter la caméra de gauche à droite n’est pas exactement fluide et les 60 images par seconde ne sont pas toujours conservées. Silent Hill 2 Remake sera malheureusement un peu longuet à deux endroits précis. Son démarrage est un poil lent si l’on commence déjà à mettre son nez dans tous les recoins de la ville disponibles dès notre arrivée. Il se fatiguera aussi un peu plus tardivement, lors d’un passage bien connu des fans du jeu original.
Bloober Team a non seulement apporté sa patte, mais également grandement modifié l’ensemble. Alors oui, dans les grandes lignes il s’agit bien du même jeu, mais pas à l’identique. Les lieux remarquables le sont toujours et ils prendront une part très importante dans l’aventure, bien plus que dans l’original d’ailleurs.
Une lettre d’amour à la franchise
A aucun moment le jeu, l’expérience et l’aura du matériau original ne sont malmenés. Les développeurs ont fait un numéro d’équilibriste sans filet, mais c’est payant. Leurs ajouts et leurs idées également. Il y a des nouveautés, Silent Hill 2 Remake sort des sentiers battus et tente de nouvelles choses.
Même chose en ce qui concerne certaines scènes et cinématiques, inédites ou différentes, qui tutoient habilement d’autres séquences cultes qui n’ont quant à elles pas bougé. C’est un remake très fidèle et aussi différent. Une relecture maîtrisée et impeccable d’un chef-d’œuvre. Plus qu’un hommage, c’est une lettre d’amour au jeu d’origine. L’OST a par ailleurs eu le droit à un soin tout particulier. Les thèmes marquants sont tous présents et enregistrés à neuf par le compositeur originel Akira Yamaoka.
Comme dans l’original, il y a bien plusieurs fins, comme dans le jeu de 2001, et des nouvelles. Il va falloir creuser pour les débloquer, mais quelque chose me dit que vous apprécierez le voyage.
Notes des joueurs
Avis des joueurs
Beau mais trop facile
Visuellement, c’est une merveille. L’ambiance est parfaite et fidèle à l’original. Mais pourquoi avoir rendu le jeu si facile ? Trop de munitions, trop de soins… Le sentiment de vulnérabilité qui faisait toute la tension de l’original est dilué. De plus, les combats sont assez maladroits et l’aide à la visée trop agressive. J’ai aussi trouvé certains passages inutilement longs, notamment à l’hôpital de Brookhaven. Une belle expérience tout de même, mais qui manque de mordant pour les vétérans comme moi qui ont usé leur PS2 sur l’original.
Un chef-d'œuvre revisité avec brio
Après avoir passé 25 heures à explorer cette ville maudite, je peux affirmer que Bloober Team a fait un travail remarquable. La direction artistique est somptueuse, l’ambiance sonore est glaçante, et le respect de l’œuvre originale est total. J’ai apprécié tous les ajouts et modifications qui enrichissent l’expérience sans la dénaturer. Les combats sont plus intenses qu’avant et les séquences dans l’Autre Monde sont à couper le souffle. Si vous êtes fan de l’original ou novice, foncez !